L'hebdomadaire Nichane, dont deux journalistes ont été condamnés à des peines de prison avec sursis pour avoir publié des blagues jugées "attentatoires à l'islam", a renoncé à interjeter appel pour barrer la route à l'extrémisme islamiste, selon son directeur général.
"Nous avons tranché, nous ne ferons pas appel, nous ne donnerons pas une nouvelle chance à la passion de balayer la raison", écrit samedi Ahmed Réda Benchemsi, directeur général à la fois de Nichane et de TelQuel - hebdomadaire francophone - dans un éditorial intitulé: "Pourquoi nous nous arrêtons là".
Au cas où Nichane interjetterait appel, "qui sait si certains groupes extrémistes ne profiteraient pas de ce délai supplémentaire pour exploiter politiquement l'affaire en versant encore plus d'huile sur le feu", s'est demandé M. Benchemsi.
Un tribunal de Casablanca a condamné le 15 janvier Driss Ksikès, directeur de Nichane et la journaliste Sanaa al-Aji à trois ans de prison avec sursis, une amende de 80.000 dirhams (7.220 euros) chacun et l'interdiction du journal pour deux mois.
Le procureur avait réclamé des peines de prison ferme, l'interdiction de Nichane et l'interdiction d'exercer le métier de journaliste.
"Dès la minute où le Premier ministre (Driss Jettou) a interdit Nichane le 20 décembre (...) et où des religieux de toutes obédiences ont fait assaut de zèle et de suivisme pour nous clouer au pilori, le tout longuement retransmis à la télévision, la rue s'est emparée du débat", écrit M. Benchemsi.
"De journalistes qui cherchent à décrypter les ressorts de l'humour populaire, nous sommes vite devenus des +apostats qui insultent l'islam+", déplore-t-il.
"Nos droits nous sont chers, mais pas plus que la stabilité de notre pays", souligne M. Benchemsi pour expliquer la décision de ne pas interjeter appel.
Face à une autre décision de justice, Aboubakr Jamaï, directeur du "Journal Hebdomadaire" - l'un des grands tirages de la presse indépendante au Maroc -, avait annoncé jeudi qu'il démissionna.
M. Jamaï a expliqué qu'il voulait faire éviter à son journal d'être saisi ou fermé, à cause de son incapacité à verser 3 millions de dirhams (270.000 euros) d'amende à Claude Moniquet, directeur du "Centre européen de recherche d'analyse et de conseil stratégique", qui l'avait poursuivi en diffamation.
MAROC - 20 janvier 2007 - AFP